

Genèse d’un ouvrage d’exception : Les Vélins du Muséum d'Histoire Naturelle
Les Vélins du Muséum d’histoire naturelle ou l’excellence en partage, des premières planches au XVIIe siècle à la publication d'une sélection représentative en 2016.
Le Muséum national d'histoire naturelle et les éditions Citadelles & Mazenod avec la précieuse collaboration de l’Agence photographique de la Rmn-GP, réalisent un ouvrage sans précédent pour présenter l'exceptionnelle collection de vélins conservée par la Bibliothèque centrale du Muséum.
A l'origine de cette collection, un grand collectionneur passionné de plantes : Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Afin de compléter un catalogue de plantes rares, il engage vers 1630 le peintre et graveur Nicolas Robert pour les représenter d'après le naturel.
À la mort de ce dernier en 1660, la collection compte déjà plusieurs grands portefeuilles in-folio remplis de peintures sur vélin, représentant fleurs, plantes rares et oiseaux. Le vélin est un parchemin de grande qualité, très fin et très blanc, obtenu à partir d'une peau de veau mort-né ou de veau de lait. La série est léguée à Louis XIV et attire l’attention de Colbert qui convainc le roi de faire continuer la collection. Liée aux évolutions des méthodes et de la pensée scientifique, la collection des vélins sera enrichie jusque dans les années 2000.
Cette collection compte désormais un ensemble de près de 7000 gouaches et aquarelles naturalistes, précieux patrimoine entre art et science.
Le Point de vue d'un des auteurs : Alice Lemaire, conservateur en chef, Muséum National d'Histoire Naturelle
Quel défi pour vous dans ce projet ?
En premier lieu le suivi de la campagne de prise de vue, qui s’est étalée sur près de trois ans, en collaboration avec Tony Querrec : plus de 7000 précieux vélins à manipuler un par un pour les photographier, puis à mettre en ligne sur le site du Museum.
Pour le livre, publié sous la direction de Michelle Lenoir et Pascale Heurtel, j’ai étudié la collection des vélins dans ses rapports avec les travaux de botanique menés par l’Académie des sciences au XVIIe siècle d’une part et avec l’édition de sciences naturelles au début du XIXe siècle d’autre part.
La restauration des vélins et leur fragilité, leur unicité ?
Cette entreprise a représenté un énorme travail pour notre atelier de restauration qui a dépoussiéré et nettoyé chaque vélin avant la prise de vue, une opération très délicate.
Le récolement ?
Un défi aussi ! Pour la publication du livre nous avons sollicité des collègues chercheurs qui ont donné les déterminations scientifiques actuelles des plantes et animaux représentés.
Quelles planches préférées ?
Celles du premier peintre de la collection, Nicolas Robert (1614-1685), dont les vélins restent d’une remarquable fraîcheur après plus de trois siècles. Quelques-uns de ses chefs d’œuvres comme sa Corona imperialis (portefeuille 7, folio 41) seront exceptionnellement présentés au Château de Blois, dans l’exposition « Gaston d’Orléans, prince rebelle et mécène» entre juillet et octobre 2017. Et bien sûr les si délicates acquarelles de Pierre-Joseph Redouté (1759-1840), qui sera également mis à l’honneur en 2017 au Musée de la vie romantique dans l’exposition « Pierre-Joseph Redouté, le pouvoir des fleurs » entre avril et octobre 2017.
Le point de vue de l'éditrice : Geneviève Rudolf, éditrice, Citadelles & Mazenod
Quel défi pour vous dans ce projet ?
C’est la première fois qu’une entreprise éditoriale de cette ampleur était menée sur les vélins du Muséum. Il s’agissait de concevoir un ouvrage qui permette aux lecteurs de mesurer le caractère unique de la collection, tant du point de vue scientifique qu’esthétique. Les auteurs réunis autour de l’équipe du Muséum sous la direction de Pascale Heurtel et Michelle Lenoir ont apporté une expertise de premier plan sur l’histoire et la réalisation de cet ensemble.
En terme de fabrication, l’enjeu était d’être au plus proche des 800 originaux sélectionnés sachant que nous sommes dans un processus d’impression industrielle. La qualité de la campagne photographique RMN et le savoir-faire de nos équipes, nous ont permis d’envisager d’imprimer sur un papier offset qui a une matité se rapprochant de la facture d’un vélin, mais aussi d’effectuer, à l’appui de tests comparés aux originaux, les réglages optimums (chromie, densité, trait) en photogravure et sur machine.
Quelles planches préférées ?
Celles de Nicolas Robert sont effectivement saisissantes par la fraîcheur du coloris et l’extrême finesse du dessin, certains traits ne dépassent pas l’épaisseur d’un poil de pinceau ! J’aime particulièrement la carline et le chardon. Chez Redouté, c’est la composition sobre et légère d’espèces communes comme les Fabacées qui a retenu mon attention. Enfin, chez les mammifères de De Wailly, le tigre, tout en majesté et velouté, et les irrésistibles wombats m’ont ravi les yeux.
Le point de vue du photographe : Tony Querrec, agence photographique de la RMN-GP
La réalisation des photographies des vélins a constitué pour moi un grand privilège!
En effet, j’ai pu voir, un à un, chaque vélin ce qui est une chance unique lorsque l’on sait que cette collection d’envergure n’est que très exceptionnellement présentée au public, en raison de sa grande fragilité et du grand nombre de pièces qu’elle dénombre.
D’un point de vue technique, photographier les vélins a aussi représenté un certain défi puisqu’il a fallu faire en sorte que les dorures apparaissent le mieux possible (homogénéité de l’aspect doré, brillance..), tout en ayant un rendu global cohérent.
Les images ont été réalisées grâce à un dos numérique de 80 millions de pixel, qui offre des fichiers numériques de très haute définition (environ 5800X9000 px), permettant une impression de haute qualité. Le livre édité par Citadelles et Mazenod rend véritablement hommage à la fois, bien sûr, à cette collection inestimable, mais aussi à l’aspect technique mis en œuvre dans la création de ces images patrimoniales.
Quelles planches préférées ?
Une sélection de planches de botanique par Pierre-Joseph Redouté
Le point de vue de la documentaliste : Anne-Claire Gallet, agence photographique de la RMN-GP
- Quel défi pour vous dans ce projet ?
Ma mission est de faire concorder les informations scientifiques de la bibliothèque du muséum avec notre base de données. Ainsi, nous avons gardé le nom scientifique et latin des espèces afin de maintenir une homogénéité entre les deux bases. Nous avons gardé le nom vulgaire en titre des œuvres pour une meilleure compréhension, et surtout pour une recherche plus simple par l’utilisateur.
Il nous a semblé nécessaire, dans le cadre de l’intégration de ce nouveau fonds spécifique, de réviser l’arborescence botanique et zoologique de notre Thésaurus (langage documentaire contrôlé). Par exemple : la classification des espèces végétales et animales, la mise à jour des disciplines scientifiques (mycologie, ichtyologie, ornithologie, etc.), la création de mots-clés.
Notre travail est aussi de nous adapter et de faire évoluer notre outil documentaire. Cette valorisation du fonds reste essentielle pour le chercheur d’informations.
- Quelles planches préférées ?
Mes planches préférées sont celles qui représentent les espèces disparues et les espèces en voie de disparition. Elles me rappellent un sujet sensible mais tant essentiel : la protection de notre environnement. J’aime également les champignons qui apportent une douceur et une senteur automnales et évidemment les planches flamboyantes des oiseaux, poissons et fleurs.
Le Museum a présenté l’exposition "Précieux vélins. Trois siècles d'illustration naturaliste", du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017 au Cabinet d'Histoire du Jardin des Plantes à Paris.
Les Vélins, sous la direction de Pascale Heurtel et Michelle Lenoir, éditions Citadelles & Mazenod.